Qui était Sue Lyon, l'actrice de “Lolita” ? | Les Inrocks (2024)

La plupart des acteur.ice.s vous diront aimer leur métier, Sue Lyon ne l’aimait pas– au point d’en être répugnée. Quelques jours après son décès, nous revenons sur la courte carrière de l’actrice, marquée par le rôle dans “Lolita” de Stanley Kubrick.

Sue Lyon est décédée le jeudi 26 décembre dernier à 73 ans, dans le quartier de West Hollywood à Los Angeles. L’actrice aura eu une carrière cinématographique pour le moins atypique. Elle est, on le sait, principalement connue grâce à son interprétation de Lolita dans le film éponyme de Stanley Kubrick, sorti en 1962.

Née en 1946, cadette d’une famille de cinq enfants, Sue Lyon perd son père de manière précoce. Elle commence alors une carrière de modèle très jeune, et participe, au début de sa dizaine seulement, à subvenir aux besoins de ses frères et sœurs, aux côtés de sa mère. En 1959, alors âgée de 13 ans, elle fait une apparition dans l’épisode «Alien Love» de la série Letter to Loretta, qui lui vaut d’être remarquée à cette occasion par Kubrick qui prépare alors le casting de Lolita. Contactée pour faire des essais pour le rôle-titre, elle s’étonnera du déroulement du casting, le décrivant au journaliste Philippe Garnier : «Normalement, dans ces auditions, c’est «Tu t’appelles comment ? Tourne-toi, bien, merci, salut.» Mais ces deux-là ont commencé par me demander des trucs comme «Est-ce que tu sors avec quelqu’un ? Où tu vas quand tu sors ? A quelle heure tu rentres ? Qu’en pense ta mère ? Où tu as acheté ta robe ?» Et des trucs encore plus personnels que ça. Ils m’ont bien gardée une heure !»

Golden Globe de la révélation féminine

Sue Lyon est finalement retenue parmi 800 postulantes pour le rôle. Incarnant Dolores Haze (aka Lolita), elle donne la réplique à James Mason, jouant Humbert Humbert, professeur de lettres divorcé de 37 ans, qui n’a d’yeux que pour elle. La performance de la jeune actrice impressionne, et lui vaudra un Golden Globe de la révélation féminine de l’année. Le film, lui, ne fera pas autant l’unanimité : il sera une des œuvres les plus controversées du moment, tout comme le roman de Vladimir Nabokov dont il est tiré, paru quelques années plus tôt en 1955.

Une sortie de film paralysée par la polémique

Malgré les précautions de Stanley Kubrick, qui a choisi une actrice un peu plus âgée que la Lolita du roman – Sue Lyon a 15 ans au moment du tournage contre 12 ans et demi pour l’héroïne littéraire – et qui s’est plié au Hollywood Production Code (plus connu sous le nom de Code Hays), modifiant quelque peu le récit en atténuant les aspects provocants du roman afin d’éviter le scandale, le sujet polémique du roman a également entaché la sortie de son adaptation cinématographique. Sue Lyon raconte alors à Philippe Garnier avoir été empêchée, dans un premier temps, de faire la promo du film, en raison du décès de son frère en 1963 sans-doute mais surtout à cause des demandes de censure portées à l’encontre du film : «Ce qui a été la barbe, ce sontles deux ans qu’il m’a fallu passer à faire la promotion, dîner et déjeuner avec des journalistes et répondre à leurs stupides questions. Stanley et Jimmy m’ont d’abord mise sous cloche pendant un an, le temps qu’ils démêlent les histoires de censure, où je n’avais le droit de parler à personne ni de me faire photographier.»

Nabokov lui-même, qui a co-signé le scénario avec Stanley Kubrick, avait d’ailleurs qualifié Sue Lyon de «nymphette parfaite» pour incarner Lolita ; avant de déclarer qu’il aurait finalement aimé voir l’actrice française Catherine Demongeot (principalement connue pour son rôle de Zazie dans Zazie dans le métro) jouer la jeune fille.

Loin du cinéma

Après Lolita, Sue Lyon s’éloignait dès qu’elle le pouvait des plateaux et d’un métier qui la «répugnait»et d’un film, Lolita, qui l’aurait détruite et expliquerait en partie sa bipolarité diagnostiquée. Enchaînant ensuite des rôles parfois importants, parfois plus insignifiants, elle est notamment apparue dans des films de John Huston (La Nuit de l’iguane, 1964), incarnant une adolescente séductrice, et John Ford (Frontière chinoise, 1966), où elle joue une missionnaire. Elle a ensuite eu un second rôle dans Tony Rome est dangereux de Gordon Douglas, en 1967) et le rôle principal dans un film de George Scott, Une sacrée fripouille (1967). Reléguée à des rôles principalement secondaires dans les années 1970, elle apparaît pendant une dizaine d’années dans des films de peu d’envergure : Evel Knievel, Le Bal du vaudou, Les Cartes ne mentent jamais, L’Etrangleur invisible ou encore son dernier long-métrage, L’Incroyable alligator.

L’actrice, ne supportant plus les tournages, arrête le métier en 1980 – âgée d’une trentaine d’années – dès qu’elle et sa famille n’ont plus eu besoin qu’elle subvienne à leurs besoins. Elle devient institutrice pendant un temps, et fait notamment la une de la presse à l’occasion d’un mariage – elle en aura eu cinq en tout dans sa vie – avec le prisonnier Edward Weathers, condamné pour meurtre.

>> A lire aussi : «Lolita, Kubrick et moi»: Quand Sue Lyon nous racontait les coulisses du film

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