L’Algérie face aux défis de la dépendance alimentaire (2024)

Par Abderrahmane MEBTOUL, professeur des universités, expert international, docteur d’Etat.

De par le monde, il n’existe dans aucun pays qui assure sa sécurité alimentaire à 100%.

(1 dollar = 134,78 dinars algériens). L’Algérie est le pays le plus étendu du continent africain mais également du monde arabe et du pourtour méditerranéen et s’étend sur 2.380.000 km² dont 2.100.000 km² d’espace saharien. La densité paraît faible, mais les neuf dixièmes de la population sont concentrés sur les terres du Nord. Sa situation géographique est stratégique : en face de l’Europe, côtoyant la Tunisie, l’Atlantique Maroc/Mauritanie, la Libye, le Mali et le Niger comme point d’appui de l’Afrique sub-saharienne.

L’objectif stratégique à l’horizon 2025-2030 est d’éviter que plus de 95% de la population vive sur moins de 10% du territoire, ce qui passe par une autre vision de l’aménagement de l’espace, en valorisant le Sud notamment dans le développement agricole. Il faudra, se faisant, éviter des utopies et préserver les superficies arables du Nord dont l’urbanisation effrénée détruit les meilleures terres agricoles, tout en n’oubliant pas les hauts plateaux qui recèlent d’importantes potentialités. Cette présente contribution analyse les orientations du conseil des ministres en date du 23 juin 2024 concernant les défis pour faire face à la dépendance alimentaire qui d’ailleurs concerne l’ensemble du continent africain et une grande partie de l’espace Asie.

1.-La surface agricole globale en Algérie s’élève à 43,98 millions d’hectares, dont seulement 8,59 millions ha sont exploités, avec un périmètre de cultures annuelles atteignant 7,53 millions ha et des périmètres agricoles pérennes atteignant 1,05 million ha, la superficie totale en céréales étant estimée fin 2023 à 3,3 millions d’hectares contre 2,9 en 2022 ( source APS) dont 2,6 millions d’hectares ont été labourés pour la période 2023/2024 selon le Ministère de l’agriculture avec une moyenne de 54 % en blé dur, 29 % en orge, 14 % en blé tendre et 3 % en avoine. Afin d’encourager la production nationale , le prix d’achat du blé dur est passé de 4500 Da à 6000 Da, le blé tendre de 3500 Da à 5000 Da, l’orge de 2500 Da à 3400 Da et l’avoine de 1800 Da à 3400 Da.

Selon l’ USDA , le département de l’agriculture des Etats Unis, dans un rapport en date du 17 mai 2024 , le rendement des cultures en Algérie devrait augmenter de 11% pour atteindre 1,67 tonne par hectare et en conseil des ministres en date du 23 juin 2024 , il a été décidé, pour parvenir à l’expansion des surfaces cultivées dans le grand sud , d’aménager 500.000 hectares de blé dont 117.000 pour le Qatar, 36.000 pour l’Italie et 120.000 hectares pour des investisseurs algériens, l’objectif fixé à moyen terme ayant été de 50 quintaux à l’hectare. Les orientations du ministère de l’agriculture pour 2024/2026 qui ont porté, dans le même sens, sur la nécessaire augmentation du rendement par hectare de blé et d’orge, tout en intensifiant le partenariat étranger, sachant qu’en 2020 la production nationale était de 43,9 millions de quintaux, avec un rendement moyen de 15 quintaux , l’objectif étant d’atteindre une moyenne de production de 30 à 35 quintaux par hectare entre 2024/2025 , en précisant que le blé panifiable dans bon nombre de pays grands producteurs a un rendement moyen de 60 à 100 quintaux à l’hectare ( 6,à 10 tonnes).

Tenant compte de la forte chaleur, des violents vents de sable, du coût de transport, il s’agit de bien analyser la filière agricole notamment dans le Sud , grâce à la nappe de l’Albien, la plus grande nappe d’eau souterraine au monde, avec plus de 50 000 milliards de mètres cubes d’eau, l’équivalent de 50 000 fois le barrage de Beni Haroun étant à cheval sur trois pays, l’Algérie, la Libye et la Tunisie. Le lac don 70 % de la surface se trouve en territoire algérien, au sud-est du pays, ne se renouvelle pas. L’on devrait donc l’utiliser , selon les experts, raisonnablement afin de préserver l’éco système pour éviter des impacts sismiques.

2.-La production locale de céréales toutes catégories confondues représente environ 3,5 millions de tonnes entre 2023/2024, soit 30 à 35% des besoins et avec la pression démographique. La population estimée à 47 millions en janvier 2024, atteindra 50 millions en 2030. Rappelons que les prix sont subventionnées sans ciblage, étant évalués à près de 9 à 10 millions de tonnes de blé en 2023, un volume devant progressivement s’orienter horizon 2030 vers 14/15 millions de tonnes. Le taux de couverture interne devrait augmenter, mais sous réserve d’une bonne pluviométrie car les impacts des investissem*nts, sous réserve de leur rentabilité, dans le Sud , sont à moyen et long terme et pas avant 2027/2030.

Selon la dernière note de conjoncture sur la situation mondiale des marchés des grandes cultures, publiée par l’établissem*nt français des produits de l’agriculture et de la mer FranceAgriMer en mars 2024, , l’Algérie a importé 6,5 millions de tonnes (Mt) de blé tendre durant la campagne 2022/2023, en hausse pour 2023/2024, pour atteindre 7,2 Mt, soit une augmentation de 11%. Ce qui place le pays au rang de cinquième importateur mondial de blé tendre, après l’Egypte, la Chine, l’Indonésie et la Turquie où au cours de la campagne de commercialisation 2023/2024, la Russie s’est hissée au rang de premier fournisseur de blé pour l’Algérie, dépassant même les pays de l’Union européenne (UE). Pour la FAO, qui fournit d’autres données, les commandes de céréales de l’Algérie demeurent élevées en raison d’une production nationale de céréales inférieure à la moyenne, affectée par des conditions de climat de sécheresse.

Les importations de blé tendre ont représenté en 2023 environ 6,5 millions de tonnes et pour le blé dur 1,5 MT en 2023 et l’ Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) dans son rapport du 25 avril 2024 annonce un volume d’importations de céréales de l’ordre de 14 millions de tonnes sur l’exercice 2023/24 et pour 2025 14,1 millions de tonnes. Ces prévisions rejoignent celles de l’agence Ecofin : pour qui les achats de blé en 2024/2025 sont attendus à leur plus haut depuis 8 ans du fait que la production locale est mise à mal par des conditions climatiques défavorables, le pays devant recourir davantage aux importations pour couvrir ses besoins de consommation, la sécheresse ayant affecté environ 1,2 million d’hectares de cultures céréalières (soit environ 40 % de la superficie totale dédiée aux céréales) avec un déficit hydrique de 90 % enregistré dans la plupart des régions du nord du pays  avec parallèlement, les besoins de consommation devraient augmenter de 50 000 tonnes pour s’établir à 11,2 millions de tonnes fin 2024.

3.-Le président de la république ayant déploré à maintes reprises la défaillance du système d’information et ayant ordonné aux responsables d’éviter toute euphorie irréaliste , démobilisant la population, comme ce responsable aui, le 24 juin 2024, sans préciser comment, annonce une exportation hors hydrocarbures de 29 à 30 milliards de dollars horizon 2030, ce même responsable ayant annoncé 10 milliards de dollars en 2023 ( source APS) , alors qu’elles sont passées de 7 milliards de dollars en 2022 à 5 en 2023 dont 67% de dérivées d’hydrocarbures inclus dans cette rubrique ( source statistiques douanières ), toute création de valeur relevant avant tout d’entreprises publiques et privées concurrentielles, sont très éloignées de celles du ministère de l’agriculture qui, sans préciser la distinction entre blé tendre et blé dur, annonce une baisse d’importation de 500.000 de tonnes, du fait d’une augmentation de la production locale de 8,5 millions lors de la campagne 2024-25, contre 9 millions lors de la campagne 2023/2024. ( bilan provisoire).

Et selon le conseil des ministres, se basant sur la présentation du ministre de ‘agriculture, en date du 23 juin 2024 où évaluant la campagne moisson-battage, caractérisée par une hausse de la production de blé , qui ne concerne pas le blé tendre qui représente plus de 80% des importations du blé , a noté la réduction de son importation, ce qui a permis au Trésor d’économiser 1,2 Md USD.

En conclusion, il s’agit de réorienter le modèle de consommation , l’Algérie ayant des avantages comparatifs plus pour la production du blé dur que pour le blé tendre. Entre 2022/2023, la valeur de l’ensemble des importations de biens alimentaires , en précisant que le taux d’intégration des entreprises publiques et privées ne dépasse pas 15%, environ 85% matières premières et équipements étant importés, avoisine 10 milliards de dollars. De par le monde, il n’existe aucun pays qui assure sq sécurité alimentaire à 100%. Comme nous l’ont enseigné les fondateurs de l’économie dont Adam Smith et David Ricardo, l’on devra appliquer la règle économique universelle, tenir compte des avantages comparatifs car les subventions et avantages accordés à un secteur, étant des surcoûts supportés par le trésor public et indirectement par le consommateur, doivent être transitoires. et tout projet, étant en ce XXIème siècle dans l’interdépendance économique, l’autarcie étant une utopie, doit à terme être compétitif tant en termes de coûts que de qualité.

L’Algérie face aux défis de la dépendance alimentaire (2024)

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